"Là-bas" aussi, c'était la Guerre ...

Publié le par Michèle Pontier-Bianco

"Là-bas"  aussi, c'était la Guerre ...

Article No 188

Le Débarquement de Normandie -  (6 Juin 1944) -  a été dignement fêté  pour ses quatre-vingts ans, en Normandie et partout en France. L'importance de cet événement a éclipsé celui de Provence - (15 Août1944) -  qui était totalement nécessaire pour que se fît la jonction des deux armées. Les principales chaînes de la Télévision l'ont ignoré ...

Il y en eut deux autres totalement oubliés et qui eurent leur importance. Mentionne-t-on le Débarquement des Alliés en Afrique du Nord le 8 Novembre 1942 appelé "Opération Torch" ? Et celui de la Corse du 9 Septembre 1943 (appelé Opération Vésuve) ?

Débarquement en Corse - Ici les Goumiers du Maroc -  (Le Point : Un exploit oublié)

Débarquement en Corse - Ici les Goumiers du Maroc - (Le Point : Un exploit oublié)

NOUS, les tout-petits de cette époque, ceux avec lesquels j'allais au Jardin d'Enfants voisin tenu par des Soeurs - à la cornette blanche comme des ailes de mouettes - et une jeune fille Jardinière, nous vivions la Guerre de façon différente dans nos petites têtes ... Pour plusieurs d'entre nous, notre Papa "Etait -à- la- Guerre" et cela me semble avoir duré longtemps, longtemps ...

File d'attente devant un magasin

File d'attente devant un magasin

Tout un peuple de femmes seules se débattait pour élever les enfants du mieux possible ; la grande question était de pouvoir nourrir et équiper ce petit monde en période de "Restrictions" .

Restrictions ! Voilà un mot que nous entendions souvent prononcer autour de nous et dont nous ne comprenions pas toujours le sens  ainsi que d'autres mots ou expressions comme "Marché Noir " ou "Coupons" , ces précieux tickets de rationnement qui assuraient quelque nourriture journalière.

Parfois, les enfants très jeunes ne demandent pas d'explications et se font, en quelque sorte un cinéma dans leur petite tête. Lorsque j'entendis un jour que le Général Giraud s'était "enfermé dans son poste" (sic) , je regardais le grand poste Radiola du salon avec inquiétude ! J'entendais parler de "l'autre général" , plus célèbre, mais j'ignorais totalement que tous deux étaient plutôt opposés ! (cf. le Débarquement en Corse ) .

 

Le Général Giraud

Le Général Giraud

Il y avait quantité d'autres expressions ou appellations qui, aussi, me semblaient nébuleuses mais que les adultes autour de nous disaient d'un air très sérieux telles que : Régime de Vichy (je connaissais l'eau !)  - la Résistance - la résistance passive - les "collabos" -  le mouvement nationaliste - les lois anti-juives - le communisme - les camps etc ...etc... Quelqu'un nous montra un masque à gaz,  une horreur en caoutchouc grisâtre avec les cercles de verre pour les yeux et une sorte de trompe !

Masque à gaz "de défense" - (Agenda des Reconstitutions)

Masque à gaz "de défense" - (Agenda des Reconstitutions)

On essayait de nous cacher la réalité, toutefois nous savions que les ennemis étaient les Allemands mais on ne parlait guère des Italiens ... Il est vrai que parmi nous, les noms italiens étaient légion ! Nous savions aussi qu'il y avait des bombardements et que nos Papas couraient des dangers. Nous avons vécu des "alertes" et cependant sans panique car on nous enrobait le danger en nous disant que "les électriciens de la ville faisaient des réparations" !

Par chance Constantine n'a pas été bombardée mais il y eut ces "alertes" . A la première, on nous fit rejoindre les tunnels du Boulevard de l'Abîme ! Une foule affolée s'y précipita. On me tenait fermement la main . Souvenir pénible ... Je connus deux autres sortes d'abris : les Soeurs nous emmenaient dans la cave dont les soupiraux donnaient sur le trottoir du boulevard. Quant à la maison, nous nous contentions de descendre au rez-de-chaussée chez notre gentille concierge qui alignait des chaises dans son couloir ! La voisine du dessus apportait son manteau de fourrure et sa boîte à bijoux . Quand sonnait la fin de l'alerte nous remontions à nos étages, sauvés ! Mais que cet abri était illusoire !  Inutile de dire bien sûr, que l'on nous cachait les bombardements d'Alger, Djidjelli (Jijel) , Bône (Annaba) et ne parlons pas de Mers el Kebir ...

Soldats Américains et un enfant

Soldats Américains et un enfant

Le Débarquement des Alliés en Afrique du Nord apporta un petit changement dans notre vie, mais je dois dire qu'égoïstement il  concernait  ma petite personne plus que ma Mère ou ma Grand-mère !

Hôtel Cirta - Constantine

Hôtel Cirta - Constantine

Miam ! - Beurre de cacahuètes

Miam ! - Beurre de cacahuètes

Quand les Américains arrivèrent à Constantine, ils logèrent à l'Hôtel Cirta (peut-être ailleurs aussi ?) où notre voisin de palier  était cuisinier. On dit souvent que leur Intendance Militaire était efficace. Dans la rue, il n'était pas rare de les voir donner une friandise ou un chewing-gum à un enfant. Notre voisin recevait d'eux quelques superflus gourmands pour ses enfants et, pour nous, il n'était pas rare d'entendre un coup de sonnette connu ! Sa femme, ou lui, avait un paquet dans les mains "Pour la petite" ! Je ne vous remercierai  jamais assez  chers  Mr et Mme L.

 Nous mangions normalement compte tenu des restrictions et autres difficultés mais les extras étaient rares. Aussi, quel régal de connaître le beurre de cacahuètes, le pain en forme de boule avec la mie très blanche et si légère et les bananes séchées qu'il fallait "désagglutiner" de leur bloc !  Bizarrement je n'ai pas la moindre idée de ce qu'était leur chocolat ! Mais, c'est sûr et certain qu'il y avait aussi cette friandise "number one" ! Et Maman faisait de délicieux macarons avec leurs flocons d'avoine !

Je ne peux pas mettre de dates exactes sur certains événements. Par exemple je ne peux situer l'année où ma Mère et moi, sommes allées  à la Doctrine Chrétienne du Coudiat - transformée en hôpital - pour y visiter mon Père blessé. Je ne peux pas être un bon témoin de ce qu'était la Guerre pour nous,  en Algérie. Nous ne connaissions ni les bruits de bottes, ni la vraie "occupation" . 

Mais je sais bien en quelle année, un petit matin, des coups de sonnette frénétiques et joyeux nous tirèrent de nos lits toutes trois ! Mon Papa retrouvé !!!

M.P.B.

 

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article