La Passerelle Perrégaux à Constantine

Publié le par Michèle Pontier-Bianco

Passerelle Perrégaux - Vue sur la Médersa - (Wikipedia)

Passerelle Perrégaux - Vue sur la Médersa - (Wikipedia)

186 ème article

De tous les ponts qui enjambent les fabuleuses Gorges du Rhumel, cette passerelle - maintenant nommée " Mellah-Slimane " - est le plus petit, le plus gracile. Et c'est aussi le seul pont où l'on se sentait au plus près  des gorges, et je dirais même : presqu'à l'intérieur ! 

On voit tout de suite que cette passerelle est la réplique exacte du " Pont Suspendu" (dit Pont de Sidi M'Cid)  . 

Pont de Sidi M'Cid - ( Wikipedia )

Pont de Sidi M'Cid - ( Wikipedia )

Qui crée un pont ? Un Architecte ? Ou un  Ingénieur ? Ou un concepteur qui soit les deux à la fois ? En l'occurrence on doit la Passerelle Perrégaux et le Pont Suspendu,  à Ferdinand Arnodin ; la construction débuta en 1908 ou 1917 ( selon les diverses sources ! ) et elle fut ouverte à la circulation piétonne en Avril 1925. Cette passerelle rendit service à une grande partie de la population car elle permit un raccourci bienvenu pour relier la rue Nationale (qui devint rue G. Clémenceau et maintenant : Larbi-Ben-M'Hidi ) - ainsi que   les petites rues menant à la Place des Galettes,  à l'avenue de Roumanie ; de là on pouvait atteindre la Gare ou El Kantara. 

Ferdinand Arnodin - (1845-1924)

Ferdinand Arnodin - (1845-1924)

Vous n'échapperez pas à la " Fiche technique " qui est le passage obligé de tous les articles qui traitent ce  sujet !

Voici donc ses caractéristiques : pont en acier- suspendu avec haubans - pylônes en maçonnerie - longueur 125 m. -  largeur 2,40 m. - hauteur au-dessus des eaux 100 m.  

En 2002 elle a fait l'objet d'une réhabilitation devenue nécessaire si l'on en croit une journaliste de " La Tribune " qui écrivait ceci :

   "  C’est un espace mal aéré, mal éclairé qui plonge d’emblée les usagers dans une ambiance malsaine, faute d’hygiène. Et ce n’est certainement pas le coup de balai quotidien donné par un agent affecté par la municipalité qui résoudra le problème. "   N. Djekhar en 2002

Général Alexandre- Charles Perrégaux - (1791-1837)

Général Alexandre- Charles Perrégaux - (1791-1837)

La passerelle porte le nom d'un général Français qui  eut un début de carrière militaire, original. Il naquit en Suisse et était protestant, une rareté dans l'armée. Il fut naturalisé français en 1816. Envoyé en Algérie, il ne tarda pas à se voir confier le commandement de 5000 hommes et à être nommé Maréchal de Camp. Au siège de Constantine, il était aux côtés du Général de Damrémont, le 12 Octobre 1837. Lorsque ce dernier s'écroula touché à mort  par un boulet, il voulut le secourir mais en vain et il fut blessé à son tour. Il décéda dans le navire qui le ramenait de Bône en France.

 Vue de l'intérieur du bâtiment de l'ascenseur - (Wikipedia)

Vue de l'intérieur du bâtiment de l'ascenseur - (Wikipedia)

L'ascenseur était, si mes souvenirs sont exacts, plus grand que celui de Sidi M'Cid et avait comme avantage, la possibilité pour nous,  de prendre les escaliers en cas de panne.

Cette cage d'escalier était très pittoresque, et vaste et fraîche. Il y avait plusieurs paliers et bizarrement je revois une salle sur le côté.  Quand nous étions obligés de descendre ainsi, c'était à toute vitesse pour échapper aux odeurs car les WC publics n'existaient pas (d'ailleurs en France, c'était l'indigence aussi) . On entendait des voix, des appels qui résonnaient dans l'immensité de cet escalier.  

Quand on atteignait la sortie, le premier spectacle que l'on avait au bout de la passerelle n'était que banal : des maisons toutes simples de l'Avenue de Roumanie.

Ce que l'on voyait "en bas" , de part et d'autre du pont était grandiose et si l'on regardait, en se retournant, l'ensemble des bâtiments "en haut" , le  "panoramique" était remarquable.

Une partie du "panoramique" : La Medersa domine majestueusement

Une partie du "panoramique" : La Medersa domine majestueusement

L'ensemble des constructions que l'on voyait comprenait des maisons anciennes et des immeubles "modernes" bordant toute la rue Nationale . On voyait donc leur façade arrière  et également les sous-sols de certaines de ces maisons et leurs grandes verrières. Ils étaient dévolus à des ateliers ou des locaux de "mouvements de jeunesse" , (celui auquel j'adhérais avait périclité !) . C'était impressionnant de contempler les gorges du Rhumel de si près. Parfois on accédait à ces étages si bas, non par le portail principal mais par une petite rue perpendiculaire et une entrée sur le côté de la maison. 

On pouvait  découvrir, en prenant  cette ruelle,  un habitat avoisinant, vétuste et plus que modeste, collé aux autres maisons.

La Medersa - Elle jouxte l'ascenseur

La Medersa - Elle jouxte l'ascenseur

Toujours plongés dans la contemplation de ce "panoramique" , au milieu de ces constructions disparates, nous sommes frappés par la beauté de la Medersa qui  se dresse, toute blanche et l'on pense que c'est un joyau de l'art ottoman. Mais non :  elle est l'oeuvre de Pierre-Louis Bonnel, architecte et elle fut construite de 1906 à 1909. (Elle méritera un article) . 

Vue aérienne de la passerelle et des gorges - (tenes.info)

Vue aérienne de la passerelle et des gorges - (tenes.info)

Les gorges du Rhumel sont particulièrement verdoyantes en cet endroit et aussi :

Ce qu’on peut dire c’est que les gorges présentent une particularité : en coupe, schématiquement, on a en haut deux falaises  verticales  mais assez distantes, en bas de falaises verticales rapprochées et à mi-hauteur deux plans inclinés qui se font face. Ces plans inclinés sont toujours verts." 

Les vestiges de l'Antiquité ne sont pas loin de nous  comme c'est souvent le cas à Constantine. Du côté de la Medersa, subsistent, non loin en contrebas, les Piles du Pont d'Antonin et, de l'autre côté du pont et sous la falaise bordant l'avenue de Roumanie, ce sont les Arcades et Bains de César avec la source thermale.  

L'Oued Rhumel se faufile obstinément entre les rochers et il y a toujours, parmi les passants une personne qui s'arrête pour le contempler, que ses eaux soient calmes ou en furie.  Une amie qui passait quotidiennement sur ce pont y laissa son chapeau que le vent emporta. Il tomba dans un trou d'eau mais ne coula pas tout de suite . Chaque jour elle le regardait s'enfoncer un peu plus !

Et le Rhumel coule toujours,  immuable malgré les siècles, emportant le temps et nos souvenirs.

Et la passerelle, légère et souple a encore de beaux jours devant elle et elle continuera son balancement charmant aux moindres pas, au moindre vent. Le vent de l'Histoire ......

M. P. B.

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D
Merci beaucoup pour cet article fascinant, Michèle Pontier-Bianco ! Votre description détaillée de La Passerelle Perrégaux, ou Mellah-Slimane, m'a transporté à travers le temps et l'espace, au cœur des Gorges du Rhumel. Votre narration vivante et riche en détails historiques rend hommage à ce monument emblématique de Constantine. J'ai particulièrement apprécié les anecdotes personnelles et les observations sur la construction et la réhabilitation de la passerelle.<br /> Je me permets juste une petite correction concernant le nom de la rue : la rue Nationale, qui devint rue G. Clémenceau, est maintenant la rue Larbi-Ben-M'Hidi et non Mohamed M'Hidi. Encore merci pour ce merveilleux voyage à travers l'histoire !
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M
Double MERCI Djeghim Chaouki : Pour votre appréciation de l'article sur notre inoubliable passerelle et ensuite pour le nom exact de la rue Larbi_Ben- M'Hidi ! Je l'avais trouvé sur je ne sais quel site (ce qui prouve qu'Internet peut se tromper ! ) .Sur toutes les photos, la passerelle figure toujours avec ce monument du Savoir qu'est l'imposante Medersa (ou Médersa ??? ) . Je vais m'y atteler ... Salut à vous ! M.P.B.