Les avatars du Musée Archéologique de Philippeville / Skikda

Publié le par Michèle Pontier-Bianco

Masque  - Crayon sur Canson - 24 cm x 33 cm

Masque - Crayon sur Canson - 24 cm x 33 cm

 

Nous avons pu nous faire une idée de la splendeur de Rusicade. Nous avons vu que certains événements avaient porté atteinte à ses trésors d'architecture. Mais il faut rappeler que, par rapport à l'Italie et à la France, l'Afrique du Nord possédait bien plus de monuments, quasi-intacts, que ces deux pays ! Ceux-là, n'avaient eu à subir que les outrages du temps et subsistaient dans leur beauté. Après la démolition de l'Amphithéâtre (voir article précédent) , l'intervention de savants français préserva en partie les monuments, mais pour créer la nouvelle ville : Philippeville, il fallut bien hélas, faire disparaître des sites romains.

Mais, que faire des nombreuses pièces de sculptures et fragments divers ainsi récupérés ?

Le Prince Jérôme Napoléon, Ministre de l'Algérie et des Colonies demanda aux autorités locales de préserver ces précieuses trouvailles. Dans un premier temps, elles furent envoyées à Constantine ou au Louvre.

En 1845, Laborie, Conducteur des travaux des Ponts et Chaussées, fit réunir ces différentes pièces à l'intérieur du Théâtre romain ; des crédits furent débloqués en 1853 pour leur conservation. Bizarrement, le Ministre de la Guerre eut le droit d'en choisir certaines, pour les envoyer au Musée Algérien de Paris ou … ailleurs. On peut se demander si, dans ces pérégrinations, toutes purent arriver à bon port.

En 1859, un (vrai) Conservateur, J. Roger fit réunir les vestiges importants dans le Théâtre romain et mettre à l'abri les plus petits éléments dans une construction attenante qui devait s'apparenter à une « baraque » peut-on lire . L'année suivante, il put rédiger le Catalogue du Musée Archéologique de Philippeville. Il était aidé de S. Gsell (archéologue et écrivain) et en 1868, il fut décoré par la Société Française de Numismatique et d'Archéologie.

L'Empereur Antonin  - amputé d'un bras ...

L'Empereur Antonin - amputé d'un bras ...

Après la gestion rigoureuse de Roger qui se termina en 1876, les années qui suivirent furent une succession de périodes plus ou moins fastes pour ces vestiges qu'il avait pu, lui, vraiment    "conserver"  … Ainsi, jusqu'à 1885, la   conservation (!) se fit par des employés municipaux, ignorants en matière d'Archéologie ! D'ailleurs ils n'étaient guère rétribués pour cela …

 

Il y eut un petit progrès pendant les cinq années qui suivirent avec A. Dry qui était Chef de Bureau à la Mairie : c'était déjà plus indiqué pour ce travail ; mais les collections étaient soit dehors, soit dans un local obscur de la mairie, voisin de celui des Archives , lesquelles brûlèrent ! Les collections faillirent disparaître.

 

ENFIN en 1898, fut édifié le " Musée Municipal  " sur la Place d'Isly. Il comptait trois pavillons que reliait une galerie ; le tout avait 100 m. de Longueur sur 30 m. de largeur et ne manquait pas d'allure. L 'Archéologie régnait au rez-de-chaussée du pavillon central. A l'étage se trouvaient des œuvres modernes de peinture et sculpture. La Numismatique était dans le deuxième pavillon et le dernier regroupait des armes, des objets de pêche, des spécimens de la faune marine.

 

Extérieur du musée

Extérieur du musée

Ce musée était le plus grand du Maghreb, disait-on. Il était riche de 1500 pièces : la colossale statue d'Hadrien, le buste de Caracalla, les restes de Digna, martyre de ces lieux, des sarcophages, des chapiteaux, des colonnes en granite ou en marbre de Filfila , d'Italie ou de Grèce, des autels funéraires, des mosaïques, des objets de verre ou de bronze, des fragments de statues comme des têtes … on ne peut tout citer. Ce fut sa période la plus glorieuse : il eut le Diplôme d'Honneur de l'Exposition Universelle de Philippeville en 1895 puis, en 1898, la Médaille d'Or de l'Exposition Internationale à Bergen – (ce dont je n'ai pu trouver confirmation) .

LeThéâtre servait encore de dépôt pour les pièces importantes mais Louis Bertrand fut lui aussi un Conservateur remarquable. Avec François Bertrand, il publia un catalogue du Musée Archéologique de Philippeville qui fut réédité en 1914 et qui, maintenant encore, sert de référence.

 

Il était une fois, un très beau musée …...

Intérieur du Musée

Intérieur du Musée

Mais, hélas, la Mairie le fit détruire en 1953 …... Et ce, pour de nébuleuses raisons ; l'emplacement fut vite récupéré, on y construisit une résidence quelconque.

Et alors commença pour notre pauvre musée une "  descente aux enfers " . Les destructions, dispersions et disparitions peuvent se résumer en un seul mot : gâchis ! Les objets furent déposés dans différents endroits parfois ahurissants comme des caves de HLM ; également dans celles de la Mairie (c'est un peu plus admissible) ou dans des entrepôts d'entreprises . Fond de l'infamie, certains furent carrément oubliés dans les années qui suivirent.

 

Retour à la lumière ! En 1967, on procéda à un inventaire. En 1980, on eut la merveilleuse surprise de découvrir, tout à fait par hasard, un vrai trésor caché depuis des années dans l'entrepôt d'une ancienne fabrique de pipes et il fallut donc trouver un lieu sûr pour mettre en sécurité ces belles sculptures et autres merveilles. On sait que les pérégrinations sont néfastes aux objets fragiles et lorsqu'on aménagea diverses structures, ils furent transportés sans les précautions d'usage : beaucoup furent brisés, abîmés ou perdus dans ces manipulations !

La tête a disparu - Mais admirez le savant drapé .

La tête a disparu - Mais admirez le savant drapé .

La Mairie, voulant abriter ces vestiges, les fit d'abord nettoyer, réparer, restaurer, par d'habiles professionnels. Le Palais Meriem Azza étant devenu Maison pour les Hôtes de passage, ils trouvèrent abri dans l'ancienne Poudrière maintenant Centre Culturel Communal Hassan Chebli. On peut donc y admirer, les statues, les monnaies, les verreries et autres souvenirs. Un Guide du Musée a été édité, le Catalogue de Louis et François Bertrand faisant toujours office de référence.

 

L' emplacement de ces inestimables témoins du passé est-il définitif ? On murmure qu'existerait aujourd'hui un projet à l'étude pour un nouveau musée : il serait sur une ancienne Nécropole Romaine. Ne serait-ce pas un voisinage tout indiqué ?

 

On peut aussi voir un Jardin Archéologique fort bien aménagé, tout proche du Théâtre Antique, maintenant restauré, dont il nous faudra parler.

 

Une question et un espoir restent en souffrance : Skikda pourra-t-il récupérer le buste magnifique de Marc-Aurèle qui lui revient de droit ??? La France l'ayant restitué à Alger, Skikda attend toujours son retour …...

Entrée du Musée

Entrée du Musée

Buste (tant espéré) de Marc-Aurèle

Buste (tant espéré) de Marc-Aurèle

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