Les terrasses dans la ville - Les terrasses dans la vie
On ne peut évoquer les rues et les maisons de Constantine sans parler des terrasses et des balcons. Je dirais même qu'il existe une véritable " culture " des terrasses, tant elles étaient, et sont toujours, nécessaires à la vie. Elles permettaient d'être à la fois dans la maison et à l'air libre sous le ciel, et l'on pouvait participer soit à la vie de la rue, soit à celle des autres terrasses. On pouvait y étendre du linge, aérer et battre des tapis et aussi bien, y cultiver des plantes. Chose importante, certaines activités domestiques s'y pratiquaient aussi.
J'avais publié une photo de ma maison en évoquant le Boulevard Joly de Brésillon : on y voit nos deux balcons et, de chaque côté, des maisons à terrasses. Le bâtiment forme une équerre et le côté des fenêtres à petits balcons très plats, donne sur la très étroite rue Daguerre, joignant le boulevard à la rue Biscarrat.
http://les-quatre-elements.over-blog.com/2017/05/le-boulevard-joly-de-bresillon-constantine.html
Ma Mère et la voisine d'en face avaient fini par se dire bonjour puis échanger quelques mots en langue arabe. Sa fillette avait mon âge. Sur leur terrasse régnait un " kanoun " (sorte de brasero, celui-ci en argile) . Même si la mère nous parlait de sa " cuisine à la française " , qui se trouvait dans leur maison, elle faisait mijoter des tajines sur ce kanoun ; la bonne odeur se répandait. Quand il faisait beau, elle coiffait longuement la petite, lui tressant des nattes. Ou bien, assise " en tailleur ", elle préparait des légumes ou roulait son couscous.
Nous avons dû à cette relation, nouée au fil des ans, le fait d'être invités à la noce de Rouïba, que l'on maria très jeune.
http://les-quatre-elements.over-blog.com/2016/02/le-mariage-de-rouiba.html
L'arrière de la maison donnait sur une cour carrée, par un dernier balcon. Il faisait face à une autre terrasse ; le quatrième côté, plus bas, ne laissait voir que des toits. Notre balcon était équipé d'un bassin de ciment qui prenait toute la largeur. Il servit, jusqu'à l'entrée d'une machine à laver chez nous. C'était aussi mon perchoir pour lire tranquillement au soleil.
J'aimais beaucoup les effluves qui me parvenaient de la terrasse d'en face : on y torréfiait souvent du café. Je pouvais voir les maisons que dissimulaient les toitures lorsque je montais au dernier étage. La concierge en avait la clé : nous pouvions tour à tour profiter d'une vaste buanderie donnant sur LA terrasse de la maison ! De là, tout le pâté de maisons, cours, terrasses, toitures et impasses, le tout formant une mosaïque multicolore, tout était visible.
La période pendant laquelle on faisait des conserves de tomates, ornait les espaces de grands plateaux, comme des fleurs rouges, dans lesquels séchaient les coulis. On voyait des élevages de poules, des jeunes enfants qui jouaient. Des musiques parvenaient jusqu'à nous. Parfois, aux approches de l'Aïd-El-Kébir, on entendait bêler des moutons ! Eh oui ! On devait leur faire monter quelques étages et les bêtes, étonnées de se sentir sur des carrelages ou du ciment, attendaient là, l'heure où elles seraient sacrifiées. (Je ne me risquerai pas à soulever la polémique : lequel, d'Ismaël ou d'Isaac aurait pu être la victime si un ange n'était pas intervenu ?
Et un mouton fut le bienvenu pour remplacer le jeune homme sur l'autel du sacrifice ... )
A Lyon, j'habite une maison où chaque appartement possède un grand balcon, sorte de petite terrasse. A part des plantes vertes (si peu) , il n'y règne aucune animation. Il est vrai que la circulation des voitures malodorantes, dissuade d'y faire des stations ! Les gens se calfeutrent pour voir le sacro-saint Journal Télévisé.
Autres temps ...
Autres lieux ...
Autres façons ...