Comment j'ai connu Mila
Cet hiver-là, nous avions eu une période de neige. Après quelques jours hivernaux, le soleil était revenu et, par un ciel tout bleu, nous avions pris la route de Mila. La poterie étant l'une des spécialités de la ville, le but de la promenade était de visiter l'atelier d'un potier : je n'en avais vu qu'au cinéma et il me tardait de " voir " travailler l'argile. Mais, un autre grand intérêt, était de visiter la vieille ville avec ses ruines des siècles passés.
Il y avait encore dans les champs des plaques de neige glacée qui, au soleil, semblaient cristallines. Au-delà de la ville, les hauteurs étaient bien blanches
L'atelier du potier était plus grand que nous le pensions : le long des murs, des étagères présentaient sa production et celle de ses aides. Les plats, les pots, les vases et les pichets étaient de formes éternelles. Elles ont, depuis toujours, été façonnées ainsi par la main de l'homme, pour l'homme, pour un usage quotidien. Jamais, un " designer " n'avait eu besoin de se creuser la tête pour trouver des formes nouvelles, les plus insolites possibles !
La majorité d'entre elles étaient de couleur ocre, comme la terre du pays avec, parfois, des décorations brunes. On nous a donc montré toutes les étapes de la fabrication, le séchage et le vernissage parfois. C'était magique de voir la masse d'argile s'étirer et prendre forme entre les mains de l'artisan (on pourrait dire : de l'artiste) . Parfois, d'une pression légère, il écrasait la masse ou la creusait avec, semblait-il, une grande facilité, la plateforme en bois tournant comme une folle selon l'impulsion qu'il lui donnait.
J'étais absolument fascinée et je pris la résolution de faire moi-même, plus tard, de la poterie ! En réalité, j'ai travaillé l'argile mais d'une autre façon. Je vous en ai déjà montré quelques échantillons.
Bien sûr, nous avons acheté un vase qui devait aller rejoindre, dans une vitrine, un autre, presque semblable mais qui venait, lui, de Nabeul ( Tunisie) , et qui était dans les tons bleus.
La visite de la vieille ville, que j'attendais impatiemment, fut malheureusement incomplète, à notre grand regret !
Bien sûr, pénétrer dans la Médina aux rues tortueuses toutes pavées, était un dépaysement total. Entre les maisons modestes, subsistaient des restes de monuments comme des pans de murs ou des colonnes romaines. Nous avions l'impression très nette de manquer beaucoup de choses ! Sans nul doute, la compagnie d'un guide ou d'un érudit amoureux de sa ville, nous eût été plus profitable pour comprendre et apprendre. Nous nous disions que des trésors archéologiques étaient sous nos pieds : cela s'est vérifié par la suite.
Des parties restantes du rempart byzantin, montraient la puissante citadelle qu'avait pu être cette ville. N'oublions pas que, sous les Romains aussi, Milev était l'un des quatre " castella " qui protégeaient Cirta, (bien loin encore de s'appeler Constantine). J'ai dit : Milev, mais sous les occupations diverses la ville changea plusieurs fois de nom, souvent de consonance proche. Quand en 1880, un lieutenant français trouva un statue de marbre blanc de grande taille, on pensa qu'elle représentait une reine berbère Mélou ou Milo ; on supposa aussi que c'était une déesse, Milev étant surnommée " Reine des céréales et du lait " . Elle sembla de l'époque numide.
Ayant été un carrefour de civilisations, Mila a amoncelé les strates de son passé : ainsi une caserne peut recouvrir une mosquée, laquelle est bâtie sur une ancienne église, elle-même construite sur un temple antique ! Nous somme donc passés à côté de monuments dont l'usage avait été détourné et sur lesquels s'étaient greffées des constructions parasites. Mais la superbe porte de pierre, Bab-el-Bled, voûte dans le rempart, était intacte, comme les façades olmeyyades auxquelles le soleil donnait une teinte beige rosé et comme la fontaine romaine toujours en activité depuis des siècles ! Elle daterait du début du 3ème siècle. Blottie dans un coin, en contrebas, elle continue d'attirer usagers et photographes.
Actuellement Mila veut sauver les témoignages des civilisations qui s'y sont succédé et l'ont façonnée. On veut réhabiliter les vieilles maisons comme les vieux fours traditionnels qui cuisaient les briques et les tuiles. On peut imaginer qu'un étudiant du Centre Universitaire, féru autant d'informatique que d'Histoire, aura un jour l'idée de restituer " en 3 D " , les images des époques glorieuses de la ville, comme sous Justinien par exemple, entre deux invasions, entre deux destructions. On souhaite aux chercheurs, archéologues et historiens, de réussir dans leur projet : donner ainsi une impulsion à leur ville-musée.
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