La Rue Damrémont à Constantine - Ses divers aspects

Publié le par Michèle Pontier-Bianco

La Rue Damrémont, comme les rues Clémenceau ou Caraman et le Boulevard Joly de Brésillon (Bd de l'Abîme) , vous conduisait de la Place de la Brèche au ravin du Rhumel, en commençant par l'ancienne rue Basse-Damrémont. Cette rue était  devenue Rue Brunache en 1907, année où l'on se mit à donner aux rues les noms des anciens maires, il me faudra donc en dire un mot.

De nos jours, elle s'appelle Rue Si Abdalla mais elle portait le nom de Charles-Marie Denys de Damrémont, Général et Pair de France, tué lors de la deuxième expédition de Constantine en 1837. La construction des immeubles ne commença qu'en 1853, le Gouverneur Général Valée ayant eu, auparavant, la volonté que la vieille ville restât arabe.

Comme ses voisines, elle commençait par une brasserie (où l'on dansait jadis) . J'y appréciais une boulangerie où m'intéressaient uniquement des " navettes " . Plus haut, c'était la pâtisserie  " du Dimanche " tout près de la librairie-papeterie Macchi (en 1889 : Lachambre ; ensuite Carbonnel) , là où mon Père achetait mon matériel de petite écolière. En face, il fallait détailler les étalages d'un inépuisable bazar-quincaillerie etc ... Et la rue se fondait en la Place d'Orléans d'où, en étoile,  partaient des ruelles. Un grand magasin de meubles, une mercerie où l'on trouvait de tout et d'autres commerces la rendaient plaisante. Un second café n'était pas loin. Disons tout de suite que cafés, bars, brasseries et restaurants étaient la majorité des commerces de ces lieux !

La Rue Damrémont regroupait tout ce qui nous était nécessaire : notre boulangerie, notre Pharmacie Clémenti, notre coiffeur, des cabinets d'assurances et de transporteurs, un avocat, un médecin,  des hôtels etc ... J'achetais là mes premiers disques microsillons et nous nous fournissions en sacs et cartables Au Cuir D'Art ! Mais je passais bien plus de temps chez " la petite libraire " qui ne bougeait pas du fond de son magasin, assise sous une maigre ampoule électrique. Elle laissait son escabeau à ma disposition ! Notre boulangerie Fayet était le modèle du genre, voici pourquoi. Le boulanger, solide gaillard, ne faisait QUE servir les pains ; sa femme, pomponnée impeccablement, trônait à la caisse : elle ne faisait QUE manipuler l'argent. Je n'ai jamais retrouvé cette hygiène élémentaire ! Je suis écoeurée de voir tripoter alternativement les pains des clients et les pièces et billets crasseux ! Mais je m'égare ! 

Les petits et les grands étaient fascinés par les jouets, les farces et attrapes et les déguisements des vitrines de Coeuret, je m'y attardais aussi, comme à celles de deux bijoutiers qui se faisaient face. On avait le choix entre les bijoux classiques de l'une et ceux plus typiques en filigrane, un fin travail local, de la seconde.

En arrivant à l'angle de la  Rue Florentin, rien ne signalait que dans le passé un Casino, ou salle de fêtes, de bals etc ... avait existé là. Mais j'ai trouvé une photo ancienne où il figurait. Je passais parfois devant un petit café maure dont j'aimais les carreaux de faïence bleus. C'était l'endroit où la rue prenait son aspect si caractéristique. La Caserne, " Quartier Welvert ", qui s'était appelée " Quartier des Zouaves ", gardait l'air formidable de la Casbah qu'elle avait été. Elle groupait l'Arsenal, l'Hôpital Laveran, le Tombeau des Braves (qui avait été jadis à l'emplacement du Square de la République) , sans oublier les écuries qui la terminaient près du Rhumel. 

Face à la Caserne, c'était le Tribunal Militaire et plus loin l'Ecole Voltaire, puis la Synagogue (Djedida ? ) . Les fenêtres, au ras du sol, permettaient d'en voir les dorures et les cuivres brillants et d'écouter les chants religieux, ce qui m'emplissait d'une curiosité pleine de respect. C'était en effet le lieu de la Communauté Juive. De vieilles femmes aux cheveux rougis par le henné, en costume traditionnel, prenaient le frais, assises sur les perrons. Elles surveillaient les enfants qui jouaient et des effluves de bonne cuisine nous parvenaient des maisons. D'après B. Dicale (Cheikh Raymond) et Judaicalgeria, " le confinement des juifs ne survécut guère à l'arrivée des français, même si la majeure partie de la Communauté vivait dans ses contours anciens " qu'on peut délimiter par les rues Thiers, Damrémont et Clémenceau ( ex Rue Nationale ). 

Moins longue que la Rue Clémenceau, la Rue Damrémont était comme elle une sorte de résumé de la population de l'Algérie. Les diverses professions s'y côtoyaient, les religions aussi. N'oublions pas que les rues adjacentes menaient vers d'autres lieux où des cultures différentes cohabitaient de même. 

Et cela, pendant un certain temps ....

 

 

Femmes juives en costumes traditionnels - Encre sur Canson, 29 cm x 42 cm

Femmes juives en costumes traditionnels - Encre sur Canson, 29 cm x 42 cm

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