Le Boulevard Joly de Brésillon (Constantine)
En bordure du rocher, de la Place de La Brèche jusqu'aux tunnels, il était comme un grand balcon donnant sur la Vallée du Hamma et le Chettaba, avec au loin, les montagnes bleues. Mais qui était ce Joly de Brésillon au si joli nom ? Dans l'Histoire du coton en Algérie, à l'époque des compagnies et concessions (dans les années 1850) , il reçut 2 000 Ha : sa compagnie devait créer un village ... ce qui ne fut pas fait ! Le boulevard fut construit entre 1901-1935 et on le doit beaucoup au Maire E. Morinaud.
Ma maison-vigie s'y trouvait. Changer d'horizon semblait impossible. Je me voyais comme une sorte " d'arapède " , accrochée au vieux rocher ! (Mais une lame de couteau peut l'en arracher ...) . Il partait donc de la Brèche, non loin de la colonne au coq gaulois de l'Esplanade Leclerc, en contrebas. Il avait quelques points remarquables. Après le grand café, la Banque d'Algérie portait une plaque rappelant la porte ancienne qui fut détruite ainsi que la bataille qui eut lieu là. Suivaient quelques commerces et maisons. Une camarade y habitait et m'y fit " trabouler " , (bien avant l'heure ! ) , pour me faire connaître l'issue vers la Rue Brunache ! La Mairie trônait un peu plus haut, superbe construction de 1903. Les intérieurs en étaient fort beaux , surtout par leurs marbres somptueux.
Cette première partie offrait à notre vue, le Faubourg Saint-Jean et le Coudiat : de là on put observer la lente construction du nouveau Lycée Laveran et sa " stagnation " avant qu'il ne nous fût enfin ouvert ! Après le tournant on longeait la Préfecture (dont l'entrée principale était Rue Sauzai) , puis l'Ecole Jeanne d'Arc et le Commissariat avec leurs discrètes façades. Des rues et des ruelles coupaient le trajet avant que l'on arrivât à la bifurcation : le garage Baldino s'inscrivait dans ce triangle.
A droite, ma maison n'était pas loin de la Crèche et le haut mur de la caserne (Quartier Welvert) semblait la limite du boulevard. A gauche, on allait vers les tunnels en longeant les escarpements de l'ancienne Casbah au lourd passé, devenue Caserne. Là, il méritait bien le nom de Boulevard de l'Abîme dont il nous faudra parler.
Entre le Commissariat et ma maison, un Café Maure installait quelques tables sur le trottoir. Les joueurs de dominos et les buveurs de café y suivaient le rythme des saisons. Pendant le Ramadan, ils s'installaient à la fin de la journée pour y attendre le coup de canon libérateur : tous se précipitaient alors sur leur café, totalement assoiffés et affamés.
Un gros parapet bordait le ravin, des gamins le franchissaient, descendaient la pente et disparaissaient à nos yeux. Ils réapparaissaient, parfois avec un nid d'oiseau à la main sans que l'on pût jamais comprendre ce qu'il y avait en-dessous tant cela leur semblait facile ! Il nous arriva de voir des caravanes venues du Sud pour fuir la chaleur de l'été. Ce spectacle antique avait disparu totalement toutes les dernières années ... A mon grand regret.
Les soirs d'été, les promeneurs à la recherche de la fraîcheur, défilaient lentement à nos pieds.Les couchers de soleil derrière le Chettaba et les montagnes lointaines étaient un fabuleux spectacle . Dans la nuit, sous le ciel étoilé (où j'appris à repérer quelques constellations) , on entendait le chant des crapauds et des grenouilles aussi, peut-être. Il montait des rives de l'Oued Rhumel. C'était un sentiment étrange de l'entendre dans la paix du soir. Paix factice, toujours ces dernières années-là, car du haut de la maison il nous arriva de voir dans le lointain horizon, des lueurs comme des éclairs ... On se battait dans les djebels ...
Notre Boulevard, appelé maintenant Zighoud Youcef, était et sera toujours, un vrai belvédère !
" Bell' vedere " !
Les décennies peuvent passer, le paysage reste immuable même si des constructions ont, peu à peu, occupé les pentes du Chettaba.
Au loin, les montagnes sont toujours bleues.
Les couchers de soleil ... somptueux !
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J'ai trouvé ma maison (inexplicablement noircie) sur Internet