" Faire Caraman " à Constantine
Comme la Rue Clémenceau, la Rue Caraman, prolongée par la Rue du Sergent Atlan (ex-rue de France) , avait été percée à travers la vieille ville. Elle portait le nom du Duc de Caraman. Elle est devenue la Rue Didouche Mourad, (et la Rue Clémenceau s'appelle maintenant rue Larbi Ben M'Hidi) . Elle aussi, partant de la Place de la Brèche en direction du Rhumel, commençait par de grandes brasseries et de beaux immeubles dont l'Hôtel de Paris. C'était un lieu de promenade à la façon de la passeggiata italienne, donc, de préférence en fin d'après-midi, la foule déambulait en allers-retours.
Je connaissais bien cette rue, mais pour des raisons pratiques car on y trouvait à peu près de tout. (Pour la promenade, j'aimais mieux les " circuits " comme faire le tour de Saint-Jean ! ) . Les magasins de mode étaient les plus réputés ; ceux d'alimentation ne vendaient guère de denrées exotiques mais de la charcuterie et également de la pâtisserie fine.
On pouvait trouver de quoi se vêtir de la tête aux pieds. En ces temps, les chapelleries étaient nombreuses. Chez Provin, la mention " Chapeaux Mossant " m'intriguait , qu'avaient-ils de différent ? (Il y a quelques années, j'ai trouvé à Romans, parmi les " magasins d'usines " , une usine désaffectée, une de plus, portant encore sa belle enseigne Art-Déco : " Chapeaux Mossant ", eh oui ... ) .
Les chausseurs aussi abondaient et, dans d'autres domaines, médecins, pharmaciens, agences de voyages ou de transports et autres utilitaires ne manquaient pas ! Mais, avec mes camarades nous nous attardions ailleurs ! Nous aimions évaluer les photos exposées chez Rigaud. Quand l'une de nous s'y reconnaissait en tenue de communiante, quelle joie ! (Joie encore plus grande de la Mamma : " Ma fiiiille ! etc ...) . Nous restions aussi devant les vitrines des bijoutiers, " choisissant " une bague de fiançailles ... pour plus tard ! (Et l'une d'elles, ou similaire, admirée à " L'Etoile d'Or ", orna mon annulaire des années après ! ) .
Le grand magasin-phare était " Le Globe " ! Fondé à la fin du 19ème siècle, il était dans la lignée de " La Samaritaine " , du Louvre, des Galeries Lafayette et autres magasins parisiens de la Belle Epoque, à une échelle plus réduite, bien sûr ! Il offrait des produits de grandes marques et ses vendeuses étaient élégantes. Il savait innover. Ainsi, dans les années 30-40, l'une de ses vendeuses, qui avait de belles jambes, présenta dans une vitrine des bas qui devaient être de rayonne ou de soie ! Le mannequin, dissimulé en grande partie, attira donc les badauds. Des petits malins se dévissaient le cou pour voir plus haut ! En vain, car la publicité allait de pair avec la pudeur ! (Nous avons connu cette dame) . Dans les années 50, les étalagistes du magasin firent des merveilles pour un grand concours de vitrines à travers la ville. Et en 1955 je pus voir, dans le hall de l'étage inférieur, la première DS Citroën. N'y connaissant rien, je trouvai qu'elle ressemblait à une grenouille ! Devenue adulte, je révisai (heureusement) mon jugement !
Le Monoprix, plus loin, attirait, lui aussi du monde mais dans un registre différent.
Avant de changer de nom, la Rue Caraman passait derrière la Cathédrale, laquelle avait été une mosquée, nous le savions. Mais le récit de cette " donation " à la France m'a toujours semblé incroyable ... ..
Tout près, des ruelles anciennes permettaient d'atteindre notre vieux Lycée Laveran, rue Clémenceau et cela me fit connaître leur pittoresque aspect sur lequel j'aimerais revenir.
Telle qu'elle était, la Rue Caraman, incontournable, ne reflétait qu'une face de notre petit monde. Il nous faudra donc explorer plus loin ...