Les deux squares (1)
L'avenue P. Liagre, qui s'était appelée " Allée des squares " puis " Avenue Lamoricière ", reliait la Place de la Brèche à la Place Lamoricière, les deux grandes places de Constantine (la Place de la Pyramide avait son importance aussi) . Elle passait entre les deux squares, attraits de la ville, celui de La République, du côté de la Vallée du Hamma et le square Valée du côté de Sidi -Rached.
Je préférais le Square de la République : il réunissait tant de choses curieuses à voir ! Ses allées bordées d'arbres et ses massifs verdoyants en délimitaient les emplacements. J'allais en premier au véritable musée lapidaire qui regroupait des ruines romaines des environs. Je détaillais les fragments de statues, les feuilles d'acanthe des chapiteaux ou les inscriptions des stèles.
Des statues, de facture plus récente, ornaient les lieux. Celle du Mime Dompteur attirait l'attention par la puissance du geste en arrêt représenté par Schoenewerk. Je ne savais pas que, plus tard, je trouverais des oeuvres de ce grand sculpteur au hasard des musées et autres sites. Elle partageait ma préférence avec celle des trois musiciens arabes : le joueur de chequoua, celui de derbouka et le troisième, de zorna. Elle était de E. L'Hoest. Or, tous trois avaient ... les doigts coupés ! J'étais toujours contrariée de ce vandalisme ! Quelques années après, j'ai fini par m'habituer à voir, aux tympans des églises de France, les statues des saints sans têtes et sans mains !!! (Il est vrai que l'on fait encore plus fort de nos jours puisque de grands sites antiques sont dynamités !!!) .
Côté Mairie, le kiosque à musique m'emplissait du regret de ne pas l'avoir à moi toute seule. Ma grand-mère évoquait les grands concerts de son jeune temps. Et vers le Casino, c'était la merveille des fontaines : celle des quatre fleuves de France. Là encore je m'attardais à détailler les statues sous la grande vasque et les petits joufflus surmontant cette dernière. Quel regret j'eus de sa disparition ! Je n'ai jamais su où elle avait été transférée. (Maintenant, à Lyon, j'ai le Rhône ... en vrai ! ) .
En contrebas se trouvait le square Panis, plus petit, avec sa pergola couverte de roses. Il me semble que l'on y faisait des promenades sur des petits ânes. Par là, on accédait au boulodrome.
Le souvenir d'une friandise reste attaché à ces lieux : les " oublies " , une gaufre que l'on ne fait plus et que vendaient les gitans venus du Bardo. On entendait de loin le fameux tac-tac-tac qu'ils exerçaient sur leurs grandes boîtes noires cylindriques.
La fréquentation de ce square depuis l'enfance peut déterminer les goûts de l'âge adulte. Aimer la statuaire peut mener aux cours de Modèle Vivant. Les ruines romaines conduisent à étudier l'Antiquité. Quand on a un Musée Gallo-Romain à deux pas de chez soi, quelle aubaine ! On recherche toujours les belles fontaines à Paris, Aix-en-Provence, Rome etc.... On visite les beaux jardins des villes et des châteaux. C'est bon de collectionner ces plaisirs !