Voyage en Russie (1993) 1
On parle beaucoup de la Russie actuellement. Je suis allée dans ce grand pays en 1993, une année de crise pour la Russie qui vivait un important changement, lequel ne se faisait pas sans soubresauts, peu d'années après la fin de l'U.R.S.S.
Notre Université souhaitait développer des relations commerciales entre des entreprises russes et françaises. Un contact existait déjà entre l'un de nos Instituts et une Ecole de Commerce d'une ville d'importance moyenne située sur les bords de la Volga.
Les professeurs organisèrent un voyage pour un groupe d'étudiants ; il pouvait y avoir des accompagnateurs : j'en fis partie. Débarquer à Moscou, cette ville fabuleuse, fut un grand moment très impressionnant ! Mais nous ne devions y séjourner que plus tard : il nous fallait d'abord aller faire la connaissance de notre Ecole de Commerce. Notre car (pas très récent) nous attendait avec son sympathique chauffeur.
Il prit donc la route qui, nous expliqua-t-on, était bel et bien une autoroute. Mais on y voyait ni panneaux indicateurs , ni stations-service, aussi notre car transportait-il des jerricanes pleins... Nous passions devant des villages dont certaines maisons devaient être des isbas. Nous longions des forêts de bouleaux aux troncs argentés qui semblaient craquer pour laisser apparaître la couleur sombre de leurs déchirures tranchant sur la neige qui subsistait encore en ce printemps. Le haut des arbres se noyait dans une sorte de brume gris-mauve que faisait la masse des branches dénudées. C'était d'une indicible mélancolie poétique ...L'arrivée à l'hôtel, devant se faire la nuit, le restaurant serait donc fermé ; on nous arrêta dans un village devant un petit magasin. Il était surtout riche en gâteaux secs. Ces biscuits n'avaient rien de nos biscuits nantais mais ils rassasiaient vite. Il nous tardait d'être au matin pour voir le paysage. On ouvrit tôt les fenêtres : non loin coulait la Volga bordée de maisons grises. Mais notre car était là, nous allions enfin connaître la ville et l'école ! L'heure de notre départ fut soigneusement notée à la loge du concierge de l'hôtel (comme le serait d'ailleurs celle de notre retour le soir) ... Certes la Perestroïka et la Glasnost avaient été instaurées mais l'évolution se faisait lentement.
Je parlerai de la ville plus tard. L'accueil de l'Ecole fut chaleureux ; les étudiants chantèrent en notre honneur " Frère Jacques " et " Il était un petit navire " . Entendre ces deux chants enfantins qu'ils avaient préparés pour nous et qui leur avaient semblé typiquement français, avait quelque chose d'émouvant. Nous avons vite sympathisé avec les professeurs qui parlaient un français parfait et qui devaient être nos guides durant le séjour. Les étudiants entre eux se débrouillaient fort bien.
Toutes nos visites se dérouleraient selon le même schéma. Le départ n'avait lieu qu'après de longs conciliabules au téléphone ! C'était mystérieux pour nous puisque tout avait été organisé bien avant. Dès que nous arrivions, on nous escortait au vestiaire, puis nous allions prendre une collation autour d'une grande table où trônait un samovar empli de thé noir. On nous offrait des gâteaux. Ensuite professeurs et étudiants allaient s'entretenir avec leurs homologues des buts du voyage. Quant à nous, on nous faisait visiter les lieux. De façon surprenante, il y avait toujours une salle réservée à la présentation d'objets sans aucun rapport avec l'endroit visité ! Nous avons compris que, dans la vie courante, il fallait saisir des occasions . (Tout le monde se promenait avec son sac de plastique) . On trouvait des objets artisanaux, des poupées-gigogne (mariotchkas) , des petits bijoux d'ambre ou de lapis-lazuli etc ... Pour terminer, avant de passer au vestiaire, on nous escortait aux toilettes ! Là, je vis pour la première fois les fameux W.C. sans porte, côte à côte dans le local ! Oui, cela se faisait encore mais tendait à disparaître ... Les copies des étudiants, soigneusement empilées, terminaient là leur vie.
Nous comprenions que l'économie était de rigueur, nous qui venions d'un pays qui l'oubliait souvent. Nos nouveaux amis nous offraient généreusement ce qu'ils avaient eux-mêmes peut-être eu difficilement ... On sait que les choses ont changé mais nous avons pu constater un moment de leur évolution ...
A suivre ...
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Illustration : " Forêt de bouleaux en Russie " Encre sur Canson : 32 cm x 24 cm