L'autre vue du pont
... Nous cheminions le long du ravin pour revenir par l'autre côté du pont de Sidi-Rached. Il nous fallait voir la spectaculaire entrée du Rhumel dans les gorges ; c'était (et c'est toujours) une vraie leçon de géographie sur les canyons ! Quand on se trouve au milieu du pont, le mot " belvédère " prend tout son sens !
Nous nous penchions pour détailler l'escarpement rocheux, tenter de voir le Rocher des Martyrs et le Pont du Diable. Sur le promontoire, la Mosquée de Sidi-Rached, blanche et verte, attirait notre attention. On sait qu'elle abrite le tombeau du saint homme et qu'elle daterait d'avant l'ère ottomane.
Nos regards portaient plus loin, pour trouver le barrage puis le Pont d'Arcole, si bas en comparaison de ses frères bien plus fameux ! Sur la droite, on retrouvait des hauteurs : le Coudiat ou Bellevue, avec leurs bâtiments blancs et modernes, s'étageaient au-dessus de la Route de Sétif. Le quartier du Bardo s'étalait non loin de l'eau et sur une partie des fameux " remblais ", souvenirs de l'arasement du Coudiat. En bas, les casernes et terrains militaires en occupaient une grande surface.
Surmontant l'autre rive, la route de Batna, qui longeait la voie ferrée, s'inscrivait dans un paysage plus agreste avec ses moutonnements de verdure comme le Chalet des Pins. Plus haut, on pouvait discerner Sidi-Mabrouk et rejoindre le Plateau du Mansourah.
Un grand regret : c'est de n'avoir pas fait de photos panoramiques qui auraient fixé tout ce que j'ai tenté de décrire ...
Le chemin du retour en ville s'achevait avec la note élégante, assez insolite dans le paysage, de l'Hôtel Cirta remarquable par sa belle architecture mauresque. Et nous avions donc parcouru deux fois les 447 m. au-dessus des 27 arches que compte le pont ! Tout cela au milieu d'un paysage remarquable.
ET MAINTENANT ...
Toujours à la recherche des bien-connus " QUE SONT-ILS DEVENUS ? ", j'ai trouvé des articles de presse, des blogs ou des sites, parlant de ces lieux que j'ai égrenés dans ces paragraphes. Evoquant la vieille ville, des titres comme : " Il faut sauver la Médina " ou : " S.O.S. Souika " m'ont appris qu'elle est, hélas, bien menacée et que les habitants se mobilisent pour sauver ce qui peut l'être. J'ai vu des photos. Au milieu des îlots de vieilles maisons, des pans de murs sableux se dressent encore parmi des espaces clairsemés, restes de maisons victimes de secousses sismiques ou simplement trop vétustes. Les destructions nécessaires ont semblé parfois trop drastiques. Quant aux cigognes, elles ont fui quelque peu devant les paraboles invasives.
Le pont lui-même est bien fragilisé. On se souvient qu'une grande catastrophe fut évitée en 1952. Il faillit bien s'écrouler et R. Mayer (Ingénieur Général des Ponts et Chaussées - entre autres brillantes fonctions) , sauva de justesse l'ouvrage qu' A. Ayraud et P. Séjourné surtout, avaient construit entre 1908 et 1912. Il nous semblait si solide, si indestructible ! Mais une partie reposait sur les Remblais et il fut fait de deux matériaux n'offrant pas la même résistance, la pierre de taille alliée au béton armé. Les décennies suivantes, il fallut le consolider et actuellement il est fermé le soir ...
Face à ce vénérable pont, le Viaduc de Salah-Bey (ou Trans-Rhumel) , audacieux et moderne, long de 1 119 m. en tout, semble un défi ! Enjambant le Rhumel et les aménagements du Bardo, il semble relier la ville aux hauteurs vers le Mansourah, si je ne fais pas erreur et on le voit très bien depuis le Campus Universitaire édifié sur le site du Chalet des Pins. Les deux ponts se regardent. Deux ouvrages d'art, deux époques, des matériaux différents ... L'un est vieux, blessé mais résistant et surveillé étroitement et l'autre semble armé pour braver les années. Qu'en sera-t-il ?