Rencontres felliniennes

Publié le par Michèle Pontier-Bianco

Homme battu -(Ocre/Canson-A3)
Homme battu -(Ocre/Canson-A3)

Au hasard des rues, nous croisons des personnages bizarres mais notre regard se détourne. Parfois avons-nous peut-être frôlé un drame ... Trois personnes semblant sortir d'un film de Fellini sont restées en ma mémoire.

Un Dimanche matin, un autocar nous avait déposés au pied du jardin du Peyrou, à Montpellier après un trajet très matinal. Nous rassemblions nos bagages quand surgit devant nous un couple de jeunes mariés en grande tenue ... mais défraîchie ! Lui, en tête, fonçait à grandes enjambées. Il portait un costume élégant gris clair, il tenait sur son bras la veste dont on voyait les parements de satin ; sa chemise soyeuse était ouverte et sa cravate gris argent flottait. Ses cheveux hérissés de gel pointaient autour de son visage rouge et il avait l'air absolument furieux.

Assez loin derrière lui et tentant en vain de se maintenir à son niveau, venait la mariée en larmes ! Elle relevait à deux mains sa robe à la traîne poussiéreuse pour mieux galoper. Elle portait encore son voile dont les fleurs avachies tremblotaient ! C'était l'image du désespoir. Nous étions stupéfaits. Nous pouvions supposer qu'ils avaient été mariés l'après-midi du Samedi mais quel drame avait pu avoir lieu le soir-même ou la nuit qui suivait ? Cela restera à jamais un mystère ...

Par une belle matinée ensoleillée, je fis une autre rencontre marquante, sur une des allées du Peyrou (j'adorais y passer pour aller de la Cité Universitaire au centre ville) . Je vis arriver, face à moi, une grande fille dégingandée. Quand elle fut plus proche, je vis que c'était un homme travesti et que le malheureux, très marqué, avait dû passer une rude nuit. Sa mini-jupe noire était toute chiffonnée et son chemisier de voile rouge bâillait. Ses jambes étaient gainées de résille noire mais ce collant était déchiré lamentablement. Sa barbe avait repoussé et donnait à sa figure une teinte verdâtre qui contrastait avec ses cheveux décolorés qui pendouillaient ; de plus, son mascara avait fondu dans les larmes et sa bouche portait encore quelques traces du rouge violent dont il s'était fardé.

D'un coup d'oeil, j'avais enregistré ces détails qui auraient pu prendre place dans un tableau expressionniste de E. Schiele, le peintre viennois de tableaux peu communs et durs. Mais j'avais vite détourné les yeux pour ne pas le gêner.

J'ai toujours regretté cette sorte de démission devant la détresse évidente de nos trois personnages. Il eût fallu leur tendre la main, leur demander ce qui leur était arrivé. Mais voilà, on n'ose pas ...

A cette époque, j'allais voir les films de Fellini tout en me demandant si je les aimais réellement ou pas ! Des figures pittoresques restaient dans mon souvenir. Et ces trois-là, rencontrées à Montpellier, semblaient faire partie du Carnaval de la vie que nous présentait ce grand cinéaste.

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