Les secrets du Chettaba
Lorsque l'on regardait le vaste panorama que l'on avait devant soi, du haut de la maison-vigie qui dominait l'abîme, on voyait à droite le rocher de Sidi M'Cid, au milieu la vallée du Hamma avec son ruban scintillant que formait le Rhumel et sur la gauche le Djebel Chettaba. Orienté Ouest - Sud-Ouest il est plus haut de 66 m que son copain le Djebel Ouach ; tous deux sont des reliefs du Tell intérieur.
Sa grosse masse (30 km x 20 km) attirait nos regards le matin et le soir. On observait cette silhouette massive qui ressemblait à une carapace de tortue, les chênes-verts et les pins d'Alep l'assombrissaient. Si le matin son sommet était couvert d'une masse de brume, les vieilles personnes disaient : " Il ne va pas faire beau, le Chettaba a mis son caploun ! " . Ce mot bizarre était ce que j'appelais de façon peu sympathique mais réaliste (!) de l'Italien dégénéré !!! Le soir, c'était le spectacle du coucher de soleil aux incroyables couleurs.
Pourquoi allait-on toujours au Djebel Ouach, le poumon vert de la ville et jamais au Chettaba ? Je suppose que des routes existaient car certains y allaient pour chasser le sanglier, mais personne ne m'a dit l'avoir exploré.
Et pourtant ... dans l'Antiquité il était peuplé, des cités romaines existaient là ; une centaine de sources favorisaient l'agriculture et l'élevage. Aurions-nous pu voir nous-mêmes des restes de ces cités ? Actuellement peut-on encore voir les grottes à inscriptions latines , si l'on se réfère à G. Camps et J.P. Alquier ?
Sur une face non visible, on trouve une source thermale d'eau gazeuse froide. On sait aussi que des scientifiques, à la fin du 19ème siècle, avaient fait la découverte de fossiles rares dans les calcaires : des bivalves nommés myophories. Cette montagne fut aussi un lieu mystique puisque l'ordre des Khouans y fut fondé !
A quel point était-il peuplé quand nous le regardions car, au bas des pentes, on discernait quelques pauvres constructions ? Un jour, nous observions un hélicoptère Sikorski traverser la vallée car il prenait une direction plongeante inquiétante. Et à notre grand effroi il percuta le djebel. Quelques secondes après, trois militaires apparurent enfin et dévalèrent la pente. Rapidement une petite foule surgit, on ne savait d'où et les escorta. L'appareil n'explosa pas.
J'ai cherché en vain des photos actuelles. Je suppose que les constructions sont peu à peu montées à l'assaut du Djebel Chettaba comme elles le firent au Djebel Ouach. Il pourrait revivre avec les hommes !
Si l'un de vous a fait le voyage et photographié le paysage, qu'il veuille bien m'envoyer un précieux cliché !