En descendant vers le Bardo
Le Bardo était un bas-quartier que les Constantinois fréquentaient peu. Il était cependant très connu ... de loin car on le contemplait " d'en-haut ", depuis le Pont de Sidi-Rached ou, mieux encore, depuis la Route de Sétif (Avenue A. France) qui le surplombait. Maintenant on doit pouvoir embrasser du regard un paysage immense si l'on est sur le grand Viaduc Trans-Rhumel !
Au point le plus bas de la ville, nous étions sur les bords du Rhumel, là où il allait entrer dans les Gorges.
C'était un endroit populeux, les habitations étaient modestes, des petits métiers faisaient vivre les gens parmi lesquels se mêlait une population gitane. Une grande bâtisse blanche attirait les regards, une caserne où étaient entreposées les fournitures militaires ; le Parc d'Artillerie n'était pas loin. J'y suis allée en compagnie de mon Père. Je ne peux pas dire que je connaissais bien ce quartier qui semblait un peu mystérieux. Mais je connaissais bien mieux l'Avenue d'Angleterre, en forte pente, qui y menait. Elle commençait devant le très chic Hôtel Cirta et plongeait entre maisons et ateliers divers. Sur la gauche, on arrivait vite au cinéma L'Alhambra si pittoresque. Il était construit en bois ; l'une de ses façades avait l'air d'un chalet. En plus de sa salle, il avait un espace de cinéma en plein air et l'on pouvait y prendre des rafraîchissements (mais pas d'alcool) sous le ciel étoilé des nuits d'été. (Oui, de la ville on voyait les étoiles, chose impossible maintenant dans nos grandes cités ! ) . Hélas il fut fermé car il n'offrait pas la sécurité souhaitable. On le regretta.
Plus tard j'eus un autre repère : en descendant plus bas, sur le côté droit, on trouvait la S.A.S. du Bardo (Section Administrative Spécialisée ) , mais je pense que l'appellation S.A.U. (Section Administrative Urbaine) , devait être plus adaptée. J'ai eu la chance de participer pendant deux mois de l'été 58, à son action sociale (comme une minuscule fourmi) car ce travail sur la population était passionnant ... Je grille d'envie de vous en parler plus longuement, mais cela nous entraînerait hors de mon sujet !
Une autre image se rattache au Bardo. Je pense aux Gitans vendeurs d'oublies, ces gaufres fines et roulées. Ils portaient cette friandise fragile dans une boîte noire, cylindrique. Ils frappaient bruyamment dessus, avec un claquoir fait d'une planchette munie d'une anse. Ils se postaient aux portillons des fameux " deux squares " , et accompagnaient leur tac-atac-atac du cri " Les Z'oublies ! les Z'oublies ! " . Cela me plaisait bien ...
Or, depuis l'an dernier, date officielle de l'ouverture du fameux Parc Urbain du Bardo, le paysage du quartier a changé de physionomie ! Depuis 2008, il y avait des plans grandioses. Les hauts immeubles prévus n'ont pas été construits, mais " l'éradication des habitations précaires " (sic) a été réalisée et a permis la récupération d'une soixantaine d'hectares (à peu près la moitié de ce lieu) . Cela ne s'est pas fait facilement, la population étant très attachée à ses pauvres maisons. Depuis 2015 donc, un grand parc citadin offre un jardin botanique, une promenade aménagée le long de l'oued, une belle cascade et un Centre Culturel qui doit, je pense, être terminé.
Qu'est devenue l'autre moitié du Bardo ? A-t-elle gardé son côté folklorique ? C'est difficile à dire car photos et vidéos ne la montrent pas ou bien on ne peut situer les endroits filmés ... Ce passé cohabite peut-être avec le présent si moderne. Tout comme le font dans notre esprit les images que nous gardons et les nouvelles que nous glanons dans des documentations diverses si nous n'avons pas la chance de retourner dans cette ville où nous avons grandi ...
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" L'espoir " détail d'un tableau (d'apprentissage !) 38 cm x 55 cm Huile sur papier toilé