LAVERAN - 2 - Le nouveau lycée
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Le nouveau Lycée Laveran était tel que nous l'avions espéré : moderne, clair et beau ! Une demi-rotonde vitrée éclairait le grand hall d'entrée, une autre, symétrique, la salle de gymnastique. Les couloirs vastes et clairs n'avaient pas une seule des reproductions de tableaux qui avaient décoré ceux du vieux lycée ... ce fut là mon seul regret. Dans les salles, le mobilier neuf, couleur chêne un peu doré, se devait de nous inciter à bien travailler. Dans les laboratoires de Physique-Chimie, le carrelage blanc donnait une impression de froideur clinique. Je n'étais pas très douée pour ces deux matières et ma meilleure amie également ! Mais, bizarrement, les Travaux Pratiques nous plaisaient beaucoup. Quand le professeur s'éloignait, nous expérimentions des mélanges diaboliques en mélangeant les produits chimiques qui se trouvaient à notre disposition ! Arrivait toujours le moment où le mélange prenait une couleur rosâtre-grisâtre à l'odeur suave et horrible à la fois ; mais quand le tube à essais commençait à chauffer et fumer, nous le vidions vite dans l'évier et faisions couler des litres d'eau !
Le professeur (Madame M. réputée très sévère) , n'était sûrement pas dupe mais avait une certaine indulgence pour nous malgré notre faiblesse en la matière !! Et si des professeurs marquent notre souvenir, je ne puis oublier Madame Foata, le meilleur professeur d'Italien que j'aie connu ! Au cours de mes voyages en Italie, je ne manque jamais d'évoquer son souvenir. Mes copines me demandaient de lui poser " les bonnes questions " qui pouvaient faire dériver le cours sur l'Art et la Littérature italienne et les discussions devenaient passionnantes !
Une " rentrée " d'octobre vint une surveillante d'origine polonaise et le bruit courut vite : elle était une rescapée des Camps de l'horreur ... Lorsque je vis un jour, sur l'un de ses avant-bras, le numéro d'immatriculation qui marquait un être humain comme une bête à l'abattoir, j'eus la preuve tangible de l'infamie et soudain je réalisai que la guerre était encore proche ...
Face à l'immense cour, de l'autre côté de la rue, les fenêtres du Collège Moderne de Garçons s'ouvraient, comme pour un spectacle, aux heures de récréation, et les collégiens s'installaient ! Il y avait les contemplatifs qui restaient là, immobiles, le menton appuyé sur les mains et les chahuteurs qui lançaient parfois des quolibets ou des sifflets . A la venue d'un surveillant, ils partaient en panique en claquant les fenêtres ! Nous nous promenions ou jouions au ballon en glissant parfois un regard de biais vers les fenêtres-loges-de-théâtre !
Le hall d'entrée vit arriver (en 56-57) une grande caisse de bois et une haute statue en fut extraite : c'était " La Sagesse " , oeuvre de Papa Belmondo . Elle semblait de calcaire blanc. Hiératique, elle évoquait l'Art Déco. Elle fut dressée au milieu de la verrière du hall. Je fis un petit article pour " Flash " notre journal des lycées. L' un de nos deux as-en-dessin en fit l'illustration : sur un socle, une fille godiche, avec des nattes et une grosse croix de sparadrap sur la bouche ! (J'avais écrit que son aspect glaçait nos conversations et que c'était sûrement le but recherché ... ! ) . On me rapporta que Madame la Directrice ne l'avait pas trop apprécié !
Le Lycée ... On y entre jeune adolescente. Des étapes jalonnent le parcours : la seconde langue, le B.E.P.C. , le second cycle et ... le Baccalauréat (en deux parties pour nous ! ) . C'est une période-phare dans le souvenir. On y noue des amitiés. C'est aussi " le temps des secrets " , des premiers émois, des confidences faites ou reçues. Les vraies amitiés solides perdurent malgré le temps et l'éloignement. D'autres sont oubliées mais il suffit d'une rencontre, bien des années après (et si nos têtes n'ont pas trop changé ! ) pour que l'on tombe dans les bras d'une ancienne camarade. " Dis, tu te souviens ... ? "
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" Viens, la vie t'attend " (Détail " détourné " d'un travail d'école sur le fond du " Radeau de la Méduse " ----Acrylique ---- 80 cm x 54 cm )