Lumières, quand même !
Après le tragique 13 Novembre, il fut décidé d'annuler la Fête des Lumières, à Lyon, le 8 Décembre, de la remplacer par un hommage aux victimes et de reporter les scénographies prévues (sauf une) à l'an prochain.
La consternation fut générale, surtout chez les commerçants. Un journal annonça la défection de 1,5 million de visiteurs. Une chape de nuit et brouillard allait-elle s'abattre sur la ville ?
C'était sans compter sur l'esprit frondeur dont les lyonnais ont fait preuve au cours des siècles passés, lors de leurs fameuses " rebeynes " !
Des lumières, il y en aurait quand même et la tradition des lumignons, officialisée en 1854, reprendrait tout son sens : la ville serait éclairée de cette manière.
On se jeta sur les petites bougies, si particulières, en forme de gâteaux cannelés.
La colline de Fourvière, dominant la Saône et le quartier Saint-Jean, devint le 8 Décembre, le pôle d'attraction. La scénographie prévue, " Les regards " , la seule conservée, put s'y dérouler.
Comme toujours, " Merci Marie " en lettres lumineuses, sur les pentes non loin de la basilique, rappelait " le voeu des échevins ", à la fin de la peste qui dura de 1550 à 1643 !
Sur les murs, " les regards " extraits de tableaux célèbres, fixaient les visiteurs, semblant projeter sur eux les pensées qu'ils exprimaient. C'était une impression étrange.
Les prénoms des victimes, en lettres blanches, défilaient sur les murs de bas en haut, comme s'ils portaient vers le ciel tous ces disparus. L'émotion était palpable.
Les lieux principaux comme les maisons, étaient soulignés par les cordons de milliers de flammes, palpitantes dans leurs verres colorés. Le 8 Décembre, il y eut bel et bien du monde dans les rues. Mais cette fois on pouvait y circuler normalement. (Depuis des années, les endroits stratégiques, Terreaux-Hôtel de Ville-Opéra , n'étaient accessibles que par de véritables goulots d'étranglements piégeant des foules compactes. Risque hallucinant qui rebutait bien des lyonnais !) .
Je rappellerai le souvenir de Marie Durand, une protestante emprisonnée 38 ans dans la Tour de Constance (Aigues-Mortes) , dont elle ne sortit qu'en 1768. Toutes ces années elle garda sa foi, soutenant le moral de ses compagnes de captivité. Dans sa prison, elle aurait gravé , sur la margelle d'une sorte de puits, le mot REGISTER (en patois vivarais : résister) .
Ce simple mot ne pourrait-il pas, une fois de plus, servir de devise ?
------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
" Nuit bleue " . Détail d'une peinture acrylique sur toile de 70 cm x 50 cm