La Médina et la Souika de Constantine - 2nde partie

Publié le par Michèle Pontier-Bianco

Rue Morland dans la Souika - (Rue Mohamed Benzeggouta )

Rue Morland dans la Souika - (Rue Mohamed Benzeggouta )

Ma connaissance de la vieille ville se limitait aux rues qui débouchaient sur "la rive gauche" (en descendant ! ) de la rue Clémenceau. Je connaissais très peu ou pas du tout,  celles de la rive droite. 

Cependant j'avais eu la possibilité de me rapprocher de la Souika. Pour une Fête des Ecoles, nous devions faire des répétitions au Théâtre Municipal avec le Professeur de Gymnastique ou celui de Musique (ou ... les deux ?? ) . Lorsque ce n'était pas à nous de répéter, nous explorions le Théâtre. Nous ignorions que nous étions sur le site disparu ou peut-être enfoui, de la Caserne des Janissaires qui fut édifiée par Ahmed-Bey-Ben Ali (lequel administra  la Province de 1756 à 1771) . Nous n'allions donc  pas dans les sous-sols, mais au contraire, nous escaladions les escaliers pour aller le plus haut possible !  

Le Théâtre Municipal sur la Place de la Brèche

Le Théâtre Municipal sur la Place de la Brèche

Sur les paliers, les fenêtres donnaient sur la Place des Chameaux : c'était une autre scène  pour le spectacle d'une vie réelle qui se déroulait à nos pieds. Il n'y avait plus de chameaux, bien sûr, pour apporter dattes, tapis et autres marchandises comme par le passé. 

Place des Chameaux

Place des Chameaux

La place s'était d'ailleurs rétrécie au cours des âges par des constructions qui n'avaient suivi aucun plan d'Urbanisme.

Accoudées aux fenêtres nous regardions les petits commerces, boutiques et cafés, et les vendeurs ambulants. Des senteurs de couscous et de chorba montaient jusqu'à nous, d'un petit restaurant voisin.  

Une construction curieuse avec une galerie à colonnes (cf. la photo ci-dessus)  était l'ancien Caravansérail ; le mot fait rêver ... Actuellement on essaie de le restaurer.  Au rez-de-chaussée se situait, à la fin du dix-neuvième siècle, un Musée Archéologique. 

Nous aurions pu voir, un peu plus loin, le commencement de la Souika et l'une des portes de la ville : Bab El Djabia , "la Porte du Bassin" lequel permettait aux fidèles de boire et de  faire leurs ablutions.

Le Théâtre semble bien seul sur cette curieuse photo ancienne ...

Le Théâtre semble bien seul sur cette curieuse photo ancienne ...

Bab El Djabia

Bab El Djabia

Nous ne pouvions voir, en somme, que peu de choses  mais  c'était un   échantillon  de l'authentique  vie Algérienne. 

Le Théâtre avec sa belle façade et les élégants bâtiments de la Brèche qui lui faisaient une noble escorte, constituaient un très beau tableau. Mais "l'envers du décor", c'était tout ce que notre regard pouvait embrasser quand nous nous pressions aux fenêtres qui dominaient la Place des Chameaux.

Rue de l'Echelle

Rue de l'Echelle

Non loin, la pittoresque rue de l'Echelle, maintes fois photographiée, était bien connue des garçons qui étaient plus hardis que nous pour explorer.

Une rue de la Souika - (par Skyscraper City)

Une rue de la Souika - (par Skyscraper City)

Des années plus tard, en 1958, je pus enfin connaître la Souika "de l'intérieur".  J'allais enfin visiter ce que j'avais si souvent contemplé "d'en haut" , quand j'empruntais le Pont de Sidi Rached ! J'irai -  je suis, enfin, allée SOUS le pont !

Je vis donc les petites maisons aux  terrasses bien connues avec leurs débordements de cuisine qui offraient à nos yeux de grands plateaux dans lesquels séchaient des tomates en sauce ou de longs festons sur les murs que formaient   des piments séchés, près des fenêtres aux bords badigeonnés de bleu indigo. 

Quand nichaient les cigognes ...

Quand nichaient les cigognes ...

Une assistante Sociale Militaire - avec son interprète  et guide, une jeune fille musulmane nommée Malika -  me demanda de venir avec elles. Il fallait voir un malade susceptible d'être hospitalisé. Deux jeunes filles "venues de France en tant qu'observatrices" (?) vinrent aussi.

Guidées par Malika, à travers le dédale des  rues, nous trouvé la petite maison signalée. Elle n'avait pas de terrasse mais la pièce était propre et rangée. Sur un matelas posé à-même le sol, un homme, jeune, était allongé ou plutôt "gisait" tremblant de fièvre et manifestement très malade ...

L'Assistante Sociale et Malika posèrent quelques questions à la femme qui nous avait accueillies, sa mère, laquelle fut visiblement soulagée quand,  rapidement,  il fut décidé d'hospitaliser le malade. 

Pont de Sidi Rached

Pont de Sidi Rached

Aussitôt surgit, de façon inattendue, porté par un enfant, un grand plateau chargé de tasses de café et de "gazzouzes" à l'orange. Il y eut des remerciements des deux côtés et, à notre départ, notre hôtesse nous aspergea les cheveux d'un parfum à l'oeillet !

Avant de quitter le quartier, Malika nous proposa de visiter le Hammam voisin. Ce qui fut accepté avec enthousiasme. La propriétaire ne fit  pas de difficulté. Il était évident que c'était un hammam très simple. Il faisait assez sombre et l'atmosphère moite  fit présager que la visite serait brève ! En effet, c'était l'été et bien que vêtues en conséquence, nous n'étions pas à l'aise ! Notons que Malika était habillée exactement comme nous et que cela ne lui posait, alors, aucun problème . 

Des femmes plus ou moins drapées dans des serviettes, étaient assises sur des sortes de banquettes en ciment et attendaient stoïquement la fin de leur séance. Certaines étaient aux mains de coiffeuses . Nous étions contentes de retrouver l'air libre bien qu'il fût chaud !

Un Hammam

Un Hammam

Cette plongée dans un quartier si différent des nôtres fut une expérience inoubliable.  J'espère conserver en ma mémoire ces images du passé, bien que rares ... En effet, la Souika n'existe plus telle que nous l'avons vue : des pans entiers du quartier menacent ruine et beaucoup de maisons se sont écroulées. Les vues aériennes montrent de grands vides, les cigognes ont perdu leurs perchoirs.

En revanche, certaines maisons ont été restaurées avec bonheur et donc sauvées, au cours d'une campagne de réhabilitation. Mais les travaux de ce genre sont onéreux, on le devine.

Photo de S.O.S. Souika

Photo de S.O.S. Souika

Pour terminer sur une note d'espoir, précisons que S.O.S. Souika s'emploie à alerter les services concernés pour sauver leur cher quartier. A voir combien les sites de tourisme en diffusent les images et combien de photos existent sur Internet, on peut être sûr que la fréquentation de ces ruelles historiques ne va pas faiblir. Refaire des campagnes de réhabilitation s'impose donc !!  

Mystérieuse Souika ...

Mystérieuse Souika ...

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