La Halle aux grains de Constantine - Le Garage Citroën qui lui succéda
Sur cette vieille carte postale, maintes fois reproduite - ( qui en fut le photographe ? ) - nous reconnaissons en premier plan la statue du Général Lamoricière si connue de nous tous ... Mais le fond du tableau n'est pas la façade du garage Citroën dont le souvenir est pour nous aussi indissociable que ne l'est celui de la fameuse statue du Général qui, sabre au clair, entraîna ses hommes à l'assaut, à cet endroit exact. C'est la Halle aux grains, bâtiment fort utilitaire à la ville au XIX° siècle, dont il ne reste que le souvenir en photos.
Cette photo donne une idée de la dalle si spacieuse qui permettait aux chameaux, ânes et mulets, en un pittoresque tableau, de se laisser conduire pour amener au plus près leurs précieuses marchandises parfois venues de si loin. Avec un peu d'imagination vous vous sentiriez l'âme d'un peintre Orientaliste prêt à fixer tout ce déballage et les gens acheteurs et vendeurs en tenues bariolées typiques ou en costume strict pour les Européens. Vous pourriez mettre, en fond sonore musical, " Sur un marché Persan " (de Ketelbey ) et prendre des odeurs au vol !
On pouvait voir des caravanes de chameaux , venues du Sud qui remontaient l'Avenue du Bardo ! Leur arrivée devait faire sensation. On imagine le tableau de ces bêtes avançant lourdement chargées, ondulant et se balançant de leur pas particulier ; leur lippe dédaigneuse, leur regard " de velours " filtrant à travers leurs paupières que la nature aurait fardées de khôl, leur donnant l'air de toiser les badauds !
Toutes ces marchandises venant de tous les horizons d'Algérie : céréales diverses, dattes tissus variés, laine etc ... convergeaient à Constantine car le Chemin de Fer vers Philippeville ouvrait l'accès aux grands ports : Alger, Marseille et les ports d'Espagne.
Mais le réseau ferré allait s'étendre et il devint inutile de passer par Constantine. On jugea alors la Halle aux grains et sa plate-forme trop envahissantes : la rue Rohault de Fleury, la rue Séguy-Villevaleix et ses voisines allaient trouver leur place ; quant au terrain libéré, il allait coûter fort cher . En 1925 elle fut donc démolie.
Une nouvelle Halle vit le jour mais ... elle fut éphémère ! Au début des années 30 elle disparut . Toutefois son souvenir fut matérialisé : le garage Vinson, concessionnaire de Peugeot, occupait la place des entrepôts de cette Halle.
Le terrain de la Halle fut acheté par André Citroën qui fit édifier en 1933 le beau garage que nous avons connu. L'Architecte en fut Maurice-Jacques Ravazé lequel conçut tous les remarquables garages de cette firme.
Chef-d'oeuvre de l'Art Déco avec ses lignes épurées et élégantes qui caractérisaient ce mouvement artistique, il était idéalement placé au fond de l'Avenue P. Liagre dite " des deux squares " , au pied du Coudiat. Notons au passage que Feu_le Casino Municipal lui était parfaitement assorti.
Après 1962, le garage comme beaucoup d'édifices, changea de destination et de nom : il devint l'une des agences d'Air Algérie . On peut situer les années où s'exerça sa nouvelle fonction de 1990 aux années 2000.
Et ensuite ... sa déchéance commença. En faire un lieu culturel est, en soi, une noble destination. Mais abolir totalement ce qui faisait son élégance et sa valeur a de quoi surprendre puisque l'on parle de Culture donc : d'Art ! Je me permets de citer le Docteur Danche, fort éclairé en la matière.
" Pour l'ancien garage de Constantine, il est trop tard, le mal est fait. Fini les grandes façades blanches et les baies vitrées, fini les lignes sobres et épurées, fini les formes géométriques et les morceaux de céramique incrustés, éléments si caractéristiques de l'Art Déco. "
On a voulu le remplacer par une imitation de palais (?) qui verrait son triomphe en 2015, année où Constantine devait devenir la Capitale de la Culture Arabe.
A Lyon et ailleurs, le garage Citroën est classé comme Monument Historique ...
A suivre : Le dernier (?) voyage de la statue du Général Lamoricière
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