Un haut-lieu de Constantine : le Plateau du Mansourah - 2nde partie
Je n'ai pas été souvent sur le Plateau du Mansourah ( nous préférions le Bois de la Légion d'Honneur sur sa pente ) mais j'en ai gardé deux souvenirs marquants. Le plus fort et plus pittoresque fut le spectacle d'une Fantasia, unique dans ma vie ! C'était lors d'une fête militaire que je situe après la guerre et qui se déroula soit dans le Quartier Gallifet qui avait eu des cavaliers ( si l'on en croit les photos de la première partie de l'article où l' on voit des hommes de troupe, d'une autre époque, avec leurs chevaux ) ; soit au Champ de Manoeuvres. Il ne reste plus de témoins pour m'éclairer, hélas ...
Je n'ai aucun souvenir des démonstrations sportives ou de la musique, je garde les images, les bruits et les odeurs de cette fantasia, clou du spectacle !
En toute logique, ces vaillants cavaliers qui déboulèrent dans " Le bruit et la fureur " devaient être ces spahis que nous avions l'habitude de voir en grand uniforme et chevauchant de splendides montures pour les prises d'armes ; ils avaient fière allure dominant ainsi militaires et civils sur la Place d'Armes - la bien-nommée - que nous appelions aussi " Place du Palais " . Certains lecteurs pourront me dire s'ils faisaient bien partie du " 2ème Régiment des Spahis Algériens " , cette unité de Cavalerie de l'Armée de Terre dissoute en 1962.
Pour moi, c'était fantastique de les voir faisant corps avec leur monture dans des évolutions acrobatiques à travers la poussière de sable et de terre. Je pense qu'ils ressemblaient à des centaures mais j'ignorais alors ces créatures de légende. On les voyait à travers un véritable nuage : poussière ou fumée ?? Je suppose qu'ils tiraient avec des balles à blanc ! ? Voilà donc la réminiscence que je garde d'une tradition particulière au Maghreb, d'une pratique qui peut remonter à une coutume Berbère très ancienne. De nos jours on semble la redécouvrir pour le Tourisme et c'est bien de la faire revivre.
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Au début des année 50, notre Mansourah eut une célébrité que la plupart des gens ignoraient sauf ceux des milieux scientifiques et historiques : on y avait fait une découverte qui enthousiasma les spécialistes de la Préhistoire : des cailloux très spéciaux appelés " choppers " ayant sûrement plus d'un million d'années.
On peut lire dans ce Bulletin le récit de la découverte, en 1953, que fit l'auteur G. Laplace-Jauretche, Attaché de Recherches au C.N.R.S. Je le cite.
" Le 5 Mai 1953, j'ai découvert, dans le Quaternaire ancien du Plateau du Mansourah, un gisement de galets taillés ( Pebble Culture ) .
" pebble culture Mots anglais signifiant civilisation des galets et désignant l'ensemble des industries préhistoriques essentiellement composées d'outils obtenus par aménagement de galets appelés « choppers » et « chopping tools ».
Nos galets du Mansourah semblaient donc détenir des records d'ancienneté. Je cite encore G. Laplace-Jauretche.
" L'abondance du matériel recueilli nous a permis d'entreprendre une étude des techniques de débitage et de la typologie des plus vieilles industries humaines connues à ce jour " .
Note:
Aujourd’hui on ne peut plus dire que les choppers du Mansourah sont les plus vieux du monde, ou d’Afrique car on a fait depuis, d'autres découvertes ...
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Le second souvenir du Mansourah qui marqua mon esprit fut la visite d'une petite entreprise artisanale de tapis.
C'était dans le cadre de l'Action Sociale de l'Armée, sous l'impulsion de la Générale B..... dont le mari était le Général Commandant la Division de Constantine. Cela remettait à l'honneur un artisanat séculaire, pour les femmes Musulmanes et leur procurait un salaire. J'étais intéressée par leur travail car j'avais appris à tisser à un stage des C.E.M.E.A.
Les femmes et les jeunes filles s'activaient à diverses tâches qui nous faisaient comprendre les étapes de la création d'un beau tapis. On voyait leurs écheveaux de laine sécher à l'extérieur ; deux d'entre elles préparaient un métier à tisser en disposant une structure ( l'immerguel ) faite de bouts de bois et de métal, un vieux procédé pour tendre l'ouvrage. D'autres nouaient avec dextérité des brins de laine coupés aux dimensions prévues puis, la rangée étant terminée, elles l'égalisaient avec des ciseaux. Les motifs en laines différentes, étaient souvent des losanges et rappelaient tout à fait ceux des poteries berbères. Souvent c'étaient des tons de terre ou des écrus naturels mais aussi de multiples couleurs.
C'était le renouveau d'un savoir qui dormait et qui n'attendait que ce " coup de pouce " ! Actuellement, si l' on constate que des branches de l'Artisanat traditionnel ( comme la dinanderie ) sont en voie de disparition, l'art du tapis semble renaître.
Ce Plateau du Mansourah, que bien des Constantinois ignoraient, et dont on ne parle qu'accessoirement si l'on évoque Sidi-Mabrouk Supérieur, ne méritait-il pas un article pour lui seul ?
Notes : C.E.M.E.A. : Centre d'Entraînement aux Méthodes d'Education Active - Utile pour les Colonies de Vacances !
Par la suite j'avais commandé un métier à tisser chez Nathan, d'un format assez conséquent , introuvable à Constantine. Mais tisser un tapis est bien plus difficile !
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06-02-2022 Seconde édition - Des images, des notes en plus. Texte de Albert Bianco Gorges de M'Chounèche Un oued aux eaux claires, une grande palmeraie pleine d'ombre colorée, un village de boue...
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