Nos " Trams " Constantinois

Publié le par Michèle Pontier-Bianco

Un de nos TRAMS devant l'Esplanade du Général Leclerc- Le Boulevard Joly de Brésillon et la Mairie

Un de nos TRAMS devant l'Esplanade du Général Leclerc- Le Boulevard Joly de Brésillon et la Mairie

8-12-2021

A Constantine, nous baptisions "trams" le moyen de transport public le plus utilisé pour la ville. ( Les taxis ne manquaient pas et de pittoresques calèches faisaient un trajet spécial pour l'Hôpital ; pour quitter la ville,  autocars et trains nous emmenaient comme partout ailleurs) . 

Si je parle de " véhicules électriques utilisant les voies publiques, roulant sur des pneumatiques, alimentés par une ligne aérienne bifilaire " ,  vous direz que c'est la description fidèle de nos trams. En un sens oui, mais en réalité elle décrit les trolleybus !  Alors pourquoi les nommer "trams" ?

Oran et Alger avaient, eux, de vrais tramways. Les rues de notre ville avaient-elles eu des rails ?  On peut trouver dans un guide de la ville, un article intitulé " Indicatifs des Lignes " publié par les T.E.C. Reconnaissez-vous ce sigle ? Le titre de leur article est : " Trolleybus et autobus des T.E.C. " .

Il y avait neuf lignes. Nous avions des Trolleybus pour la ligne 1 : Gare - Bellevue Supérieur ; pour la 2 :  Brèche - Pyramide et pour la  4 : Brèche - Cimetière et Cité Ameziane. 

La ligne 3 partait de la Brèche  vers Sidi-Mabrouk Supérieur : c'étaient des trolleybus et des cars.

Pour les lignes restantes, la 5 (Brèche - Faubourg Lamy Supérieur ) , la 6 (Brèche - Cité des Combattants ) , la 7 (Brèche - Mansourah )  la 8 (Brèche - Bel-Air ) et enfin la 9 (Brèche - Cité Les Mûriers ) , toutes ces lignes étaient desservies par des Autobus.

Avenue Pierre Liagre souvent appelée " Entre les deux squares "

Avenue Pierre Liagre souvent appelée " Entre les deux squares "

Nos trams (gardons leur appellation ! ) qui nous  véhiculaient  à travers la ville et ses environs immédiats, n'étaient en rien comparables aux autocars Pullman ! A la réflexion ils étaient assez bruyants et leur suspension ne nous épargnait pas les cahots ! Cela ne nous gênait guère puisque le confort Pullman nous était étranger !

Je n'étais pas une utilisatrice forcenée des trams mais j'avais des préférences pour certaines lignes qui  avaient l'avantage de nous montrer des parties de la ville où nous n'allions guère. Je trouvais que la ligne 3 était passionnante. Le départ s'effectuait tout en haut -  à gauche sur l'image -  de l'Avenue P. Liagre, si je ne fais pas erreur !!

Après l'Avenue Viviani et la porte El Djabia, le grand panorama se déroulait sous nos yeux : une vue unique sur les Gorges du Rhumel que permettait l'immense Pont de Sidi-Rached.  Avant de surplomber le  précipice, le tram suivait un bon moment la Souïka. Nous nous remplissions les yeux en voyant cet agglomérat de petites maisons couleur de terre, parfois peintes en blanc, avec du badigeon bleu autour des fenêtres. Sur les terrasses, de grands plateaux de sauce tomate séchant au soleil, faisaient des taches circulaires couleur rubis et des guirlandes de piments rouges enfilés, ponctuaient les murs de grands festons. Sur les toits, le peuple des cigognes avait construit   des nids rugueux. Il était comique d'entendre le bruit de castagnettes  que produisait leur bec effilé et voir les cigogneaux tenter leur premier envol sous l'oeil vigilant de leur mère ! 

 

Yann Arthus Bertrand a eu la chance de voir la Souîka ainsi !

Yann Arthus Bertrand a eu la chance de voir la Souîka ainsi !

Après le pont, le tram devait tourner à droite et suivre l'Avenue R. Gozland -  Route de Batna - entre la voie ferrée et le ravin. Ce lieu reste marqué d'un triste souvenir que je situerais à la fin des années 50 : le tram versa dans le ravin ... Une très bonne camarade y perdit sa maman. 

L'arrêt du Chalet des Pins réveillait de bons souvenirs de ce sympathique établissement et de son stade de Basket de l'A.S.C.

Mais je suis incapable de dire où était l'école signalée par l'arrêt suivant intitulé :  Ecole Indigène (sic ) ; on ne la trouve pas dans la liste des écoles de la ville ! Si vous le savez ... 

Les Ateliers du Chemin de Fer et surtout la plate-forme tournante servant à amarrer - si l'on peut dire ainsi - la machine, était l'autre lieu  attendu au cours du trajet.

J'ai connu un incident sur cette ligne. Nous revenions d'un match de Basket-Ball qui s'était déroulé sur le  terrain de l'USCC à Sidi-Mabrouk Inférieur. Le tram roula malencontreusement sur les dalles de béton qui obturaient le caniveau ; une roue fit basculer l'une d'entre elles. Or nous étions assises à l'aplomb de cette roue ! Se voir brutalement descendre d'un cran ... c'est très désagréable ! Mais par rapport à l'accident tragique dont je vous ai parlé, c'est peu de chose. 

Peu avant le Terminus, c'était  l'arrêt de la Guinguette. J'avais vu une très vieille photo datant du tout début du XX° siècle qui montrait ce café avec des personnes -  du quartier sûrement - qui posaient en rang d'oignons le long de la  façade,   comme cela se faisait alors pour des magasins ou établissements divers. Une autre photo montrait la salle à une autre époque, les années 30 peut-être. Des couples, en tenues très " rétro "  y dansaient : on aurait eu envie de dire qu'ils " guinchaient " !  J'étais donc curieuse de regarder le troisième avatar - au sens propre du terme - qui, dans ces années 50, donnait à La Guinguette un aspect moderne pour l'époque !

On pourrait évoquer d'autres lignes qu'empruntaient nos trams, mais " Ceci est une autre histoire " 

Maintenant Constantine  a un vrai tramway ! Fuselé comme une chenille colorée, il serpente élégamment entre les quartiers, glissant sur les rails qui ont défini son chemin.

Extension du Tramway de Constantine - RATPDEV/RATP

Extension du Tramway de Constantine - RATPDEV/RATP

Mais nous gardons un souvenir attendri des trams de notre jeunesse. Les conducteurs de ces véhicules portaient le nom de  Wattman ou Conducteur-Receveur. Nous donnions parfois le nom de " Wattman " à l'homme qui distribuait ou contrôlait les tickets. Peu importe. Ces sortes d'Anges Gardiens de nos itinéraires disparus ne savaient pas que leur métier deviendrait ... dangereux ! Maintenant ils doivent être protégés des coups et des crachats. 

Autres temps, autres moeurs !

O tempora, o mores !      ( Cicéron )

Notes de MPB                                                      °Le Pont de Sidi-Rached fut construit entre 1907 et 1912 - L'Ingénieur était Aubin Ayraud et Paul Séjourné l'assista.

°En contrebas, la Mosquée-Mausolée de Sidi-Rached

°La Souïka s'est bien détériorée : des pans entiers de murs se sont écroulés. Cependant on reconstruit et l'on tente de sauver ce quartier.

°Le Tramway a été mis en service le 04-07-2013 avec 8,1 Km de voies.  Le réseau s'est étendu. Il a connu sa phase finale en Avril 2021. On parle d'une dizaine de Km de plus ...

°Les Cabines-Téléphériques n'ont duré que peu d'années. On  voudrait les réparer : c'est onéreux, hélas.

°Le Chalet des Pins a disparu. La Faculté de Médecine est bâtie sur le site. Cependant le terme de " Chalet " perdure comme on peut le voir sur le blog des étudiants !

°Les T.E.C. ( le T signifiait Tramways à l'époque où ils n'existaient pas ! ) a géré -  ou contribué à gérer - les cabines téléphériques disparues pour le moment.

 

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